Chapitre 6

INFILTRATION

Calis tendit le doigt devant lui.

Erik acquiesça, puis fit signe à sa compagnie de se déployer derrière lui. Les soldats avancèrent dans la ravine en restant accroupis pour ne pas être vus.

Erik en avait assez de ces entraînements, mais il s’angoissait à l’idée que ce ne soit pas suffisant. Cela faisait six mois à présent qu’il emmenait ses hommes dans les montagnes. À ce jour, il estimait avoir formé au moins douze cents guerriers dignes de confiance et capables de survivre seuls aussi longtemps que possible.

Six cents autres recrues n’étaient pas loin d’atteindre le même résultat mais avaient encore besoin d’un peu d’entraînement. Quant à celles qu’Erik dirigeait en ce moment même, il craignait qu’elles ne deviennent jamais les soldats dont le royaume avait besoin pour vaincre.

Alfred tapa sur l’épaule de son supérieur, qui se retourna. Le sergent montra du doigt un soldat, de l’autre côté de la ravine. Il ne marchait pas comme on le lui avait appris et laissait sa douleur aux genoux le pousser à l’imprudence.

Erik hocha la tête en signe d’assentiment. Alfred plongea presque pour mettre la main sur l’inconscient et le jeta au fond de la ravine. Des cailloux pointus leur firent mal à tous les deux mais Alfred plaqua sa main sur la bouche du soldat pour empêcher les sentinelles toutes proches de l’entendre crier. Erik entendit son sergent chuchoter :

— Et voilà, Davy, à cause de tes genoux douloureux, toi et tes camarades, vous venez de vous faire tuer.

Une voix résonna dans le lointain. Erik comprit que l’exercice était un échec. Comme s’il lisait dans les pensées de son sergent-major, Calis se leva en disant :

— C’est fini pour aujourd’hui.

Erik et les autres se levèrent à leur tour. D’une poigne de fer, Alfred remit le dénommé Davy sur ses pieds et donna libre cours à sa colère en criant à pleins poumons :

— Espèce de fainéant ! Mais t’as du plomb dans la tête ou quoi ! Quand j’en aurai fini avec toi, tu regretteras le jour où ton père a rencontré ta mère !

L’une des sentinelles demanda à Calis quel était le mot de passe. Le demi-elfe le lui donna et fit signe à Erik de le suivre.

— Sergent Alfred, ramenez les hommes au camp, ajouta-t-il par-dessus son épaule.

— Vous avez entendu le capitaine ! On rentre au camp et au pas de course !

Les soldats épuisés s’élancèrent et se firent harceler tout le long du chemin par leur officier.

Calis les regarda passer en silence et attendit qu’ils soient hors de vue pour annoncer :

— On a un problème.

— Tous les soirs, c’est la même chose, acquiesça Erik en regardant le soleil se coucher. J’ai l’impression d’avoir reculé d’un pas. On ne va jamais réussir à entraîner six mille hommes à temps.

— Je sais.

Erik regarda son capitaine et tenta de deviner son humeur. Il le connaissait depuis des années, pourtant Calis restait une énigme à ses yeux, le visage aussi indéchiffrable qu’un de ces textes en langue étrangère que William conservait dans sa bibliothèque. Le demi-elfe sourit.

— Mais ce n’est pas ça le problème. Ne t’inquiète pas. Nous aurons nos six mille hommes sur le champ de bataille le moment venu. Ils ne seront pas aussi bien entraînés que nous le voudrions, mais ils n’en seront pas moins solides. Ceux d’entre eux qui sont vraiment devenus d’excellents soldats aideront les autres à survivre. (Il dévisagea son jeune sergent-major.) Tu oublies que la seule chose que tu ne peux pas leur transmettre, c’est l’expérience que l’on acquiert au combat. Certains de ceux que tu crois aptes à se battre se feront tuer dès les premières minutes, alors que d’autres sur lesquels tu ne parierais pas un sou survivront et même se révéleront au beau milieu du carnage. (Son sourire disparut.) Non, ce n’est pas ça le problème dont je voulais te parler. Nous avons été infiltrés.

— Vous pensez qu’il y a un espion parmi nous ?

— Plusieurs, même. C’est juste un pressentiment, rien de plus. Nos ennemis font parfois preuve de maladresse mais ils ne se sont jamais montrés stupides.

Erik se dit qu’il était temps d’avouer son propre sentiment de malaise.

— C’est pour ça que les membres de la garde princière veillent à ce que personne n’apprenne que les ingénieurs royaux construisent des routes le long des crêtes du Cauchemar ?

— Les crêtes du Cauchemar ? répéta Calis.

Erik comprit à l’expression de son visage que le capitaine ne faisait pas l’innocent – il ne connaissait vraiment pas ce nom.

— C’est comme ça qu’on les appelle à Ravensburg, expliqua le jeune homme. Je suppose qu’au nord, on leur donne un autre nom. (Il regarda tout autour de lui.) Il y a quelques mois, j’ai emmené l’une de mes compagnies plus loin que d’habitude. On a rencontré un détachement de Pisteurs et quelques membres de la garde du prince Patrick. J’ai entendu le bruit des outils de l’autre côté de la vallée ; ça venait des crêtes. On y abattait des arbres et il y avait aussi des forgerons et des mineurs. Les ingénieurs du prince sont en train de construire une route. Les crêtes du Cauchemar partent des Crocs du Monde, traversent la lande Noire et s’arrêtent à mi-chemin de Kesh. Il est presque impossible de les franchir aux endroits où il n’y a pas de route et on y a retrouvé plus d’un cadavre de voyageur. C’est pour ça qu’on leur donne ce nom-là. Si on se perd là-haut quand il fait froid, on est un homme mort.

Calis hocha la tête.

— Je connais cet endroit. Tu n’étais pas censé arriver jusque-là, Erik. Le capitaine Subai n’était pas content et le prince Patrick non plus quand il l’a appris. Mais tu as raison, c’est pour ça que personne n’a le droit d’y aller, au cas où les agents de l’ennemi fouineraient dans les environs de Krondor.

— Vous allez abandonner la cité.

Le demi-elfe soupira.

— Si seulement c’était aussi simple.

Il se tut et regarda le coucher de soleil. Les nuances de rose et d’orange éclatants, opposées aux nuages noirs dans le lointain, donnaient à la nuit qui approchait doucement une qualité irréelle, comme si quelque chose d’aussi beau ne pouvait exister au sein du même monde que le péril qui les menaçait.

— Nous avons mis au point plusieurs plans, reprit Calis. Tu ne dois t’inquiéter que des soldats qui sont sous tes ordres. On te dira où les emmener et quels seront les choix que tu auras à faire, parce qu’une fois que tu seras dans les montagnes avec tes hommes, ce sera à toi de décider, Erik. Tu devras juger ce qui est à la fois bon pour eux et pour la guerre en général. Beaucoup de choses en dépendent.

« Mais jusqu’à ce que le prince et le maréchal soient prêts à t’informer des détails de l’opération, je ne te dirai rien que tu puisses répéter à la mauvaise personne.

— Vous pensez aux espions ?

— Ou à la possibilité d’un enlèvement. Les agents des Panthatians pourraient te donner une potion pour te faire parler ou lire dans tes pensées comme dame Gamina. Nous ne savons pas ce qui pourrait se passer. C’est pourquoi tu ne dois partager aucune information avec qui que ce soit. On ne te dit que ce que tu as besoin de savoir.

Erik hocha la tête.

— Je suis inquiet, avoua-t-il.

— À cause de cette fille ?

Le jeune homme ne put dissimuler sa surprise.

— Vous êtes au courant ?

Calis lui fit comprendre d’un geste qu’ils devraient se remettre en route.

— Quelle sorte de capitaine serais-je si je ne connaissais pas la vie que mène mon sergent-major en dehors de la caserne ?

Erik ne sut que répondre à cette question et reprit :

— Bien sûr que je m’inquiète pour Kitty. Mais je m’inquiète aussi pour Roo et sa famille. En fait, je m’inquiète pour tout le monde.

— Tu commences à ressembler à Bobby, même s’il n’aurait jamais présenté les choses de cette façon. (Calis sourit.) Il aurait dit : « On a un putain de boulot à faire, mais on nous laisse pas assez de temps et en plus on nous colle dans les pattes une bande d’idiots incompétents. »

Erik éclata de rire.

— Ça lui ressemble bien.

— Il me manque, Erik. Je sais que tu le regrettes, toi aussi, mais Bobby faisait partie de mes premières recrues. Le premier de mes « désespérés ».

— Je croyais que vous l’aviez convaincu de quitter l’un des barons de la frontière pour travailler avec vous.

Calis rit.

— J’aurais dû me douter qu’il présenterait les choses de cette façon. Il a oublié de préciser qu’il était sur le point d’être pendu pour avoir tué un autre soldat dans une bagarre. J’ai dû le tabasser une bonne demi-douzaine de fois pour lui apprendre à maîtriser son mauvais caractère.

— Vous l’avez tabassé ? répéta Erik en escaladant un gros rocher.

Les deux hommes s’enfoncèrent davantage dans la ravine.

— Je lui ai dit qu’à chaque fois qu’il perdrait son calme, je me mettrais torse nu pour qu’on se batte tous les deux. Si à la fin il tenait encore debout et pas moi, il serait libre de s’en aller. Cet idiot a reçu six corrections avant de comprendre que je suis beaucoup plus fort que j’en ai l’air.

Erik savait que Calis ne mentait pas sur ce point. Il avait pour père un homme du nom de Tomas, un noble qui régnait sur ses terres quelque part au nord. D’après les rumeurs, sa mère était la reine des elfes. Mais quelle que soit la vérité à ce sujet, Erik n’avait jamais rencontré d’individu aussi fort que le capitaine. L’ancien forgeron de Ravensburg était pourtant le garçon le plus costaud de son village. De tous les soldats qui avaient été à Novindus la première fois, seul l’immense Biggo rivalisait avec lui. Mais Calis était capable d’accomplir des exploits qu’Erik jugeait impossibles. Une fois, il l’avait vu soulever sans effort un chariot afin qu’on puisse changer une roue, alors qu’il fallait en général deux personnes pour faire une chose pareille.

— Compte tenu de sa nature, je suis surpris qu’il ne vous ait pas obligé à le tuer.

Calis rit de nouveau.

— J’ai bien failli, à deux reprises. Bobby n’était pas homme à accepter facilement la défaite. Quand on est revenus de notre première expédition sur Novindus et qu’on est rentrés dans le port de Krondor la queue entre les jambes, le prince Arutha m’a surnommé « l’Aigle » à cause du pavillon de notre navire. (Erik acquiesça. Tout le monde savait qu’à l’autre bout du monde, Calis se faisait passer pour le chef d’une compagnie de mercenaires appelée les Aigles cramoisis.) Bobby s’est choisi le surnom de Chien de Krondor. Le prince Arutha n’a pas eu l’air d’apprécier, mais il n’a rien dit.

Le demi-elfe s’arrêta et retint son subordonné.

— Ne fais part de tes soupçons à personne, Erik. Je ne veux pas perdre un autre sergent-major. Lorsque Bobby se traitait lui-même de chien, il le pensait peut-être, mais en tout cas, il était loyal et rude. Tu possèdes ces mêmes qualités, même si tu ne le sais pas encore.

— Merci, capitaine.

— Je n’ai pas fini. Je ne veux pas non plus perdre un sergent-major parce que le duc James aura choisi de le pendre pour s’assurer de son silence. (Il regarda Erik droit dans les yeux.) Suis-je assez clair ?

— Très.

— Dans ce cas, suis-moi. Il faut ramener ce groupe à Krondor et les remettre aux mains de William, qui en fera des rats de garnison. S’ils se retrouvent un jour coincés en montagne, ils survivront peut-être un peu plus longtemps que le soldat de base, auquel cas nous leur aurons fait une faveur. Quoi qu’il en soit, ils ne nous serviront à rien.

— C’est la pure vérité, approuva Erik.

— Trouve-m’en d’autres. Choisis des hommes désespérés s’il le faut, mais amène-moi des gens qu’on puisse entraîner.

— Où devrai-je les recruter ?

— Demande une audience au roi avant qu’il quitte Krondor, répondit Calis. Si tu le lui demandes gentiment, il te signera peut-être un papier qui te permettra de piquer les meilleurs soldats des barons de la frontière. Les nobles ne seront pas contents, mais si nous perdons cette guerre, une invasion venue du Nord sera le cadet de nos soucis.

Erik se souvint de la carte dans le bureau de William.

— Je vais devoir me rendre à Hautetour, ainsi qu’aux Portes du Nord et aux Portes de Fer.

— Commence par les Portes de Fer. Il faudra que tu fasses vite. Quand tu ramèneras tes nouvelles recrues, passe par les bois du Crépuscule et évite Sethanon. Fais au plus vite. Tu as deux mois, ajouta-t-il avec un sourire qu’Erik qualifia de diabolique.

— Mais il m’en faudrait au moins trois ! protesta le jeune homme en ravalant un gémissement.

— Crève quelques montures s’il le faut, mais sois de retour d’ici deux mois. J’ai besoin de six cents autres bons soldats, deux cents dans chaque garnison.

— Ça ne laissera aux barons que la moitié de leurs effectifs habituels. Ils vont tous protester !

— Bien entendu, répliqua Calis en riant. C’est pour ça qu’il te faut un ordre de mission signé par le roi.

Erik hésita puis s’élança au pas de course, laissant derrière lui un Calis éberlué.

— Où tu vas comme ça ?

— À Krondor ! répliqua le jeune homme. Je n’ai pas beaucoup de temps et il faut que je dise au revoir à quelqu’un.

Erik entendit le rire de Calis diminuer derrière lui. Toujours en courant, il dépassa Alfred et les soldats qui retournaient au camp.

 

Erik venait de passer une journée difficile, d’abord auprès du roi puis avec Kitty. Borric n’était pas trop opposé à l’idée de dépouiller ses garnisons des soldats dont il avait besoin pour défendre son royaume contre les gobelins et les elfes noirs. Mais il était moins enthousiaste à l’idée de laisser à un simple sergent-major le soin de recruter ces hommes.

Cela ne l’empêcha pas de rappeler à Erik qu’il occupait désormais un rang à la cour et qu’il ne devait laisser aucun des barons lui disputer le droit de remplir sa mission. Le jeune homme se demanda comment il forcerait la main d’un noble disposant de près de quatre cents soldats si ce dernier refusait carrément d’obéir à un ordre de mission signé par le roi.

Il prévint Jadow que Calis rentrerait plus tard à Krondor avec des soldats qui devaient être réintégrés au service du prince. Puis il quitta le palais à la recherche de Kitty.

En apparence, la jeune fille réagit calmement en apprenant qu’il partait pour deux mois. Mais Erik avait appris à la connaître et devina qu’elle était bouleversée. Il aurait aimé pouvoir passer une journée avec elle mais c’était impossible, compte tenu du délai imposé par Calis.

Ils sortirent de l’auberge en catimini et passèrent ensemble une heure chargée d’émotion. Erik faillit briser sa promesse de ne faire part de ses craintes à personne. Il se contenta finalement de dire à Kitty que si l’événement important qu’elle pressentait se produisait pendant son absence, elle devait quitter la ville et se rendre à Ravensburg. Le jeune homme savait que lorsque Krondor finirait par apprendre l’arrivée des envahisseurs, ses habitants auraient encore un peu de temps pour fuir avant que le prince mette la cité sous loi martiale.

Kitty était suffisamment intelligente pour ne pas lui poser de questions. Sans protester, elle accepta de se rendre à l’Auberge du Canard Pilet à Ravensburg pour y attendre en compagnie de Freida et de Nathan, la mère et le beau-père d’Erik. Ce dernier promit de la rejoindre là-bas.

Puis il partit, deux heures avant le coucher du soleil. Il savait qu’il lui faudrait faire étape dans une auberge, mais l’avance qu’il prendrait valait bien cette dépense supplémentaire. De plus, c’était l’argent du roi, pas le sien.

Lorsque le soleil se coucha, Erik avait encore une heure à parcourir avant l’auberge la plus proche. La petite lune était déjà levée, perçant l’obscurité naissante. La route du Roi suivait un tracé clairement délimité, mais Erik préféra marcher en tenant sa monture par la bride pour éviter qu’ils se blessent tous les deux en tombant.

Son cheval était un hongre rouan, petit mais solide, qu’il avait lui-même choisi. L’animal n’était pas aussi fort ni aussi gros que la plupart des occupants des écuries du prince, mais il était certainement plus endurant. Erik avait l’intention de changer régulièrement de monture car il lui faudrait passer deux semaines en selle, en partant avant l’aube et en s’arrêtant après la tombée de la nuit, pour atteindre les Portes de Fer. Même ainsi, il lui faudrait pousser les pauvres bêtes à la limite de leurs forces, mais c’était faisable.

En silence, Erik maudit son capitaine et continua à marcher dans la nuit.

 

Nakor pointa les cavaliers du doigt.

— Là, regarde !

— Comme la dernière fois, maître, lui rappela Sho Pi.

Nakor se retint de dire au jeune homme d’arrêter de l’appeler « maître » – autant dire à un chien de ne pas se gratter les puces.

— Des patrouilles keshianes au bord de la mer des Songes. La dernière fois, Calis s’est plaint au commandant de leur garnison et pourtant revoilà les lanciers de Kesh avec leurs bannières déployées.

Au bout d’un moment, le petit homme éclata de rire.

— Qu’y a-t-il de drôle, maître ?

Nakor donna une petite bourrade dans l’épaule de Sho Pi.

— C’est évident, gamin. Messire Arutha a passé un accord avec les Keshians.

— Quel genre d’accord ? demanda le jeune homme tandis que le capitaine de leur bateau dirigeait son embarcation vers le rivage.

— Tu verras bien.

Nakor avait embarqué à Krondor avec son disciple à bord d’un navire qui avait remonté le canal reliant la Triste Mer à la mer des Songes. Ils se trouvaient à présent à bord d’une embarcation fluviale à destination de Port Shamata où ils achèteraient des chevaux pour se rendre jusqu’au port des Étoiles. Nakor ramenait pour messire Arutha des documents et des ordres provenant du prince Patrick et du duc James. Il croyait savoir ce que contenaient ces documents dont plusieurs portaient le sceau du roi et non celui du prince.

Le voyage se termina aussi tranquillement qu’il avait commencé. Nakor et Sho Pi prirent place à bord de la barge qui servait à transporter passagers et marchandises sur l’île où résidait la communauté de magiciens.

Arutha, lord Vencar, comte de la cour et fils du duc James, les attendait au débarcadère.

— Nakor, Sho Pi ! C’est bon de vous revoir, tous les deux. Notre dernière rencontre fut trop brève, ajouta-t-il en riant.

Nakor rit à son tour car il avait passé moins de deux minutes en compagnie du comte avant de s’esquiver en Elvandar avec Pug et Sho Pi. D’un bond, le petit homme franchit l’espace étroit entre la barge et le quai.

— J’ai des messages pour vous, messire, de la part de votre père.

— Venez.

Arutha invita les deux Isalanis à le suivre.

— Comment saviez-vous que nous étions à bord de la barge ? s’enquit Nakor, curieux.

L’homme que le roi avait envoyé administrer le port des Étoiles leur fit prendre la direction de l’immense bâtiment qui abritait l’académie.

— Par des moyens tout à fait terre à terre. Notre sentinelle vous a aperçus de là-haut et m’a tout de suite prévenu, expliqua-t-il en désignant la fenêtre d’une haute tour.

— Il doit s’agir d’un de mes étudiants, commenta Nakor en hochant la tête.

Ils entrèrent dans le bâtiment et remontèrent un long couloir en direction du bureau d’Arutha, précédemment occupé par Nakor lorsque Calis lui avait laissé la direction de la communauté.

— Est-ce que Chalmes, Kalied et les autres vous donnent du fil à retordre ? demanda le petit homme.

Chalmes était un traditionaliste, originaire de Kesh, qui refusait de reconnaître que l’île était soumise aux lois du royaume.

— Rien qui vaille la peine d’être mentionné, répondit Arutha en secouant la tête. Ils rouspètent de temps en temps mais du moment qu’ils sont libres d’enseigner et de mener leurs recherches comme ils l’entendent, ils ne se plaignent pas trop de moi.

— Je suppose qu’ils nous mijotent quelque chose, ajouta Nakor.

— C’est probable, mais je ne pense pas qu’ils arriveront à grand-chose sans aide extérieure. Ils sont trop lâches pour essayer de faire sécession sans le soutien d’un allié puissant.

Arutha fit entrer ses invités dans son bureau, dont il referma la porte.

— De toute façon, nous sommes prêts à parer à cette éventualité, ajouta-t-il en prenant les documents envoyés par son père. Veuillez m’excuser un moment.

Il brisa le cachet de la première lettre, un message personnel que lui adressait son père. Nakor le laissa lire et en profita pour l’observer. Arutha était aussi grand que James, mais ressemblait davantage à Gamina, dont il avait hérité les traits fins et la bouche presque délicate. Ses yeux, en revanche, rappelaient ceux de son père et brillaient d’un éclat dangereux. Sa chevelure également était identique à celle du duc dans sa jeunesse : noire, fine et frisée.

Au bout d’un moment, il releva les yeux.

— Savez-vous ce que contiennent ces documents ?

— Non, mais je peux le deviner, répondit Nakor. Erland vient juste de rentrer de Kesh. Je suppose qu’il est passé par ici ?

Arutha éclata de rire.

— Rien ne vous échappe, n’est-ce pas ?

— Quand on vit aussi longtemps que moi, on apprend à noter le moindre détail.

— Erland a fait étape ici l’espace d’une nuit avant de rentrer chez lui.

— Vous avez donc conclu un accord avec Kesh.

— Disons que nous sommes parvenus à un arrangement, rectifia Arutha.

Sho Pi ne comprenait probablement rien à la conversation, mais il n’en laissait rien paraître, visiblement content de laisser discuter son maître et le comte.

Nakor se mit à rire.

— Votre père est l’homme le plus diabolique et le plus dangereux que j’aie jamais rencontré. Heureusement qu’il est de notre côté.

Arutha prit un air contrit.

— Ce n’est pas moi qui vais vous contredire. Je n’ai jamais été libre de mener ma vie comme je l’entendais.

Nakor prit le message qu’il lui tendait par-dessus sa table de travail.

— Ça ne semble pas particulièrement vous ennuyer, fit-il remarquer.

Le comte haussa les épaules.

— Comme la plupart des jeunes hommes, j’étais d’une nature rebelle autrefois. Mais pour être franc, ce que mon père m’obligeait à faire m’intéressait et parfois même me stimulait. Cependant, mes fils, comme vous avez peut-être pu le remarquer, sont tout à fait différents. Mon épouse, contrairement à ma mère, a tendance à fermer les yeux sur leur nature aventureuse. (Il se leva tandis que Nakor lisait le message du duc.) J’ai souvent songé à ce qu’a dû être la vie de mon père autrefois. Il a littéralement été élevé dans les égouts de Krondor, rappela-t-il en jetant un coup d’œil par une petite fenêtre qui donnait sur le rivage. Toute ma vie, j’ai entendu raconter les histoires du temps où on l’appelait Jimmy les Mains Vives.

— Je n’aurais pas cru que votre père soit du genre à se vanter, s’étonna Sho Pi tandis que Nakor poursuivait sa lecture.

— Ce n’est pas lui qui me les racontait, mais les autres. Mon père a changé l’histoire du royaume. (Il sombra dans un silence pensif.) Il est parfois difficile d’être le fils d’un grand homme.

— Les gens ont tendance à attendre beaucoup de ces enfants-là, approuva Nakor en reposant le message sur la table. Vous voulez que je reste ?

— Pendant quelque temps. Il faut qu’un homme de confiance soit à la tête de cette académie quand les magiciens apprendront la nouvelle. Je dois m’assurer que Chalmes et les autres ne réagiront pas mal.

— Oh, ils seront furieux quand ils apprendront ce que votre père et Erland ont mijoté ensemble, répliqua Nakor avec un petit rire. Mais je veillerai à ce que personne ne soit blessé.

— Tant mieux. Je partirai la semaine prochaine, après m’être occupé de quelques détails nécessaires, annonça Arutha.

— Vous allez retourner à Krondor ?

Le comte acquiesça.

— Je connais mon père. Ce détour s’impose.

— Je comprends, soupira Nakor.

— Nous vous avons préparé les mêmes appartements que la dernière fois. Allez donc vous reposer. Nous nous verrons au dîner.

Comprenant qu’il s’agissait d’une façon polie de mettre fin à la conversation, Sho Pi se leva et ouvrit la porte pour Nakor. Le jeune homme attendit qu’ils soient tous les deux loin du bureau du comte pour demander :

— Maître, pourquoi avez-vous demandé à messire Arutha s’il retournait à Krondor ?

— Messire James lui a ordonné d’aller à Rillanon sous prétexte de porter des messages au roi, expliqua Nakor en s’engageant dans un escalier. Arutha sait qu’il est peu probable que son père quitte Krondor lorsque les combats auront commencé. Il veut s’assurer que ses fils ne resteront pas avec leur grand-père.

— Tout le monde est en danger au cours d’une guerre. Pourquoi les petits-fils du duc courraient-ils un plus grand risque que les autres ? insista l’ancien soldat.

— Parce que s’il reste des gens à Krondor lorsque la flotte de la reine Émeraude arrivera, je ne crois pas qu’ils survivront, répondit Nakor d’un ton plat.

Sho Pi garda le silence jusqu’à ce qu’ils arrivent à leurs appartements.

 

Sur un geste d’Erik, les cavaliers s’arrêtèrent. L’un des éclaireurs revenait faire son rapport. Le jeune homme venait de passer pratiquement deux mois à dépouiller les barons de la frontière de leurs meilleurs hommes. Près de six cents soldats chevauchaient derrière lui par groupes de trois colonnes disséminées sur plus de trente kilomètres. Erik ne cessait de maudire Calis de lui avoir confié cette tâche épuisante, mais au moins il ramenait les hommes qu’on lui avait demandés.

Chaque baron auquel il avait rendu visite avait lu l’ordre de mission du roi avec un mélange d’incrédulité et d’indignation. Ces nobles-là avaient pour particularité d’être des vassaux directs de la Couronne, sans comptes à rendre à un duc ou à un comte. Ils n’admettaient donc pas qu’un simple sergent-major de Krondor puisse emmener leurs meilleurs hommes, d’autant que la promesse de remplacer ces soldats paraissait plus que vague.

Le baron des Portes du Nord avait même envisagé de retenir Erik le temps qu’on lui confirme la validité de l’ordre de mission. Mais il s’était finalement ravisé face aux deux cents soldats que le jeune homme avait déjà rassemblés.

Le seigneur de Hautetour avait fait la grimace, comme si l’on ajoutait un poids supplémentaire au fardeau déjà bien lourd qui pesait sur ses épaules. Mais il avait obéi sans trop se plaindre. La vue des quatre cents soldats des Portes du Nord et des Portes de Fer avait dû aider à le convaincre.

Les troupes avaient traversé à cheval les vastes plaines des crêtes Blanches qui abritaient des tribus nomades. Celles-ci élevaient des moutons et commerçaient avec les barons et les villages qui réussissaient à survivre à proximité des terres du Nord. À plusieurs reprises, les soldats étaient tombés sur des campements récemment abandonnés, comme si l’approche d’une si grande armée avait fait fuir des bandits dans les collines.

Après avoir rencontré un troisième camp de ce genre, Erik ordonna à deux cavaliers des Portes du Nord de partir en éclaireurs. Le jeune homme trouvait un peu irritant d’avoir à se préoccuper d’une attaque aussi loin à l’intérieur des frontières du royaume. Mais parmi les territoires compris entre la Côte sauvage et la mer du Royaume, ceux qui s’étendaient entre les Crocs du Monde et les bois du Crépuscule figuraient parmi les plus hostiles. Des bandes de gobelins et d’elfes noirs étaient même descendues jusqu’à Sethanon dans les années précédant la guerre de la Faille. En dépit de la fréquence des patrouilles, ces régions demeuraient sauvages et inhospitalières.

Les cavaliers traversaient à présent une région boisée qui menait aux bois bien plus denses du Crépuscule. Erik avait déjà dépassé un si grand nombre d’endroits idéaux pour une embuscade qu’il en avait perdu le compte.

Le premier éclaireur tira sur les rênes de sa monture en annonçant :

— J’ai trouvé un camp habité, sergent-major. Il y a au moins une centaine d’hommes.

— Quoi ? Personne ne vous a vu ?

— Non, ils n’ont posté aucune sentinelle et ne paraissaient pas particulièrement inquiets. Je pense qu’ils se croient seuls dans le coin.

— Avez-vous pu les identifier ?

— Je n’ai vu aucune bannière et ils ne portaient ni uniforme ni tabard. On dirait des brigands.

Erik renvoya l’éclaireur et se tourna vers le soldat qu’il avait nommé caporal pour la durée du voyage. Il s’agissait d’un sergent du nom de Garret, originaire des Portes de Fer.

— Postez la moitié des effectifs derrière nous, à cinquante mètres. Dès qu’ils entendront du bruit, ils devront nous rejoindre en surgissant de chaque côté, pour attaquer sur les flancs. Les autres devront se préparer à frapper au centre si besoin est, en colonne, à deux de front. Quand vous aurez fait passer ces consignes, prenez quatre de vos meilleurs hommes et suivez-moi.

Le soldat était âgé d’au moins dix ans de plus qu’Erik, mais il suivit ses ordres sans hésiter. Le jeune homme appréciait son attitude et sa discipline et comptait l’élever au grade de sergent le plus vite possible. Il avait repéré en Garret les qualités d’un officier qui saurait aider ses subordonnés à survivre.

C’était le seul point sur lequel Erik était, bien qu’à contrecœur, d’accord avec le plan de Calis. Les soldats qu’on l’avait envoyé chercher avaient été endurcis par des années de combat contre les gobelins, les elfes noirs et les bandits. La plupart avaient l’expérience de la guerre en montagne et il ne faudrait pas grand-chose pour qu’ils se fondent parmi les recrues déjà formées par Erik.

Les vingt premiers cavaliers se déployèrent derrière lui en soldats aguerris qu’ils étaient.

— Préparez-vous à vous battre, recommanda le jeune homme à Garret.

Ce dernier relaya ses ordres. Puis il se mit en route en compagnie d’Erik et des quatre hommes qu’il avait choisis.

Ils se frayèrent lentement un chemin à travers les arbres et arrivèrent en vue des feux de camp. Près de quatre-vingts hommes se reposaient ou discutaient dans une clairière, parmi quelques dizaines de tentes de taille diverse, érigées au petit bonheur la chance. Certains individus faisaient la cuisine près des feux et surveillaient les vivres entassés au centre de la clairière. Erik aperçut des chariots et des chevaux attachés à l’autre bout du camp.

— Ce ne sont pas des hors-la-loi, murmura-t-il à l’intention de Garret.

Ce dernier acquiesça en silence.

— On ferait bien de frapper un grand coup.

Visiblement, il ne se posait pas de question. Pour lui, ces hommes étaient là pour se battre. Erik n’en était pas aussi sûr. Il était presque midi et pourtant un grand nombre d’entre eux dormaient. Il leva la main et s’exprima à voix basse :

— Ils attendent quelqu’un.

— Comment le savez-vous, sergent-major ?

— Ils s’ennuient et ce n’est pas étonnant parce que ça fait au moins une semaine qu’ils sont là.

Erik désigna une fosse d’aisance sur leur droite.

— Vous avez raison, admit Garret, je sens l’odeur moi aussi. Ça fait un moment qu’ils campent là.

— À moins que je me trompe, il n’y a rien ici qui vaille la peine d’attendre. C’est donc que quelqu’un doit les rejoindre.

— Mais qui ?

— C’est bien ce que j’ai l’intention de découvrir.

Il fit signe à ses compagnons de se remettre en route et se dirigea vers le camp en mettant sa monture au pas.

Un soldat visiblement mort d’ennui était occupé à nettoyer son épée. Il leva les yeux et les écarquilla en voyant apparaître Erik et son escorte. Puis il bondit sur ses pieds en poussant un cri d’alarme.

Dès qu’Erik entendit la voix de cet homme, ses cheveux se hérissèrent. Il se dressa sur ses étriers et cria à l’intention des soldats restés en arrière-garde :

— À l’attaque !

Sans réfléchir, chacun porta la main à son épée et l’on n’entendit bientôt plus que le tonnerre des cavaliers au galop. Au sein du camp, les hommes coururent chercher leurs affaires et firent de leur mieux pour enfiler leur armure, tout en empoignant épées et boucliers ou arcs et flèches. Puis le combat commença.

Ainsi qu’Erik l’avait prévu, la colonne du milieu s’enfonça dans le camp tandis que le reste de la troupe s’abattait sur ses flancs. Des flèches se mirent à pleuvoir, arrachant des hurlements aux assiégés. L’acier résonna lorsque les cavaliers envahirent la clairière. La plupart des soldats qui accompagnaient Erik étaient des archers montés et ils choisirent rapidement leurs cibles parmi ceux qui s’efforçaient d’enfiler leur armure.

Pour sa part, Erik renversa deux hommes en se frayant un chemin vers le centre du camp. Il était certain d’y trouver la personne qui commandait ces hommes et il avait bien l’intention de lui mettre la main dessus avant qu’un archer trop zélé lui règle son compte.

Il aperçut le chef.

L’homme était une oasis de calme au sein du chaos, alors qu’autour de lui tout le monde courait dans toutes les directions. Il ne cessait de crier des ordres et tentait, par un simple effort de volonté, d’obliger ses hommes à organiser une défense efficace. Erik talonna sa monture et chargea l’individu.

Ce dernier le sentit approcher, plus qu’il ne le vit, tant il était concentré sur ses hommes. En se retournant, il se retrouva nez à nez avec le cheval et son cavalier et il plongea sur le côté pour éviter la charge.

Erik fit faire volte-face à sa monture et vit que l’homme était armé d’une épée et d’un bouclier, hâtivement récupérés sur le sol. Il risquait de se montrer coriace, car il avait plongé en direction de ses armes. Il n’était donc pas du genre à paniquer.

Erik jugea inutile de le charger à nouveau, car son adversaire risquait de se baisser pour couper les jarrets de son cheval. Il était sans doute suffisamment calme et confiant pour tenter un geste aussi dangereux.

Les soldats du royaume prélevaient un lourd tribut parmi ceux du camp, si bien qu’Erik se contenta de tourner autour de son ennemi. L’homme l’observait d’un œil méfiant, attendant une charge qui ne venait pas.

— Essayez d’en garder le plus possible en vie ! cria Erik.

Lorsque les hommes du camp comprirent qu’ils étaient largement surpassés en nombre par les cavaliers, ils commencèrent à jeter leurs armes en demandant à se rendre.

La crise fut donc rapidement résolue en faveur d’Erik. Lorsque le doute ne fut plus permis, le chef jeta ses armes à son tour. À Novindus, c’était le signal de reddition employé par les mercenaires.

Erik regarda autour de lui et aperçut une bannière gisant sur le sol. Son emblème lui était familier. Le jeune homme fit avancer son cheval en direction du chef et lui adressa la parole. Garret et les autres soldats semblèrent perplexes en entendant le sergent-major s’exprimer dans une langue étrangère.

— Vous êtes Duga et ses chiens de guerre, si je ne me trompe pas.

L’autre acquiesça.

— Et vous, qui êtes-vous ?

— Je fais partie des Aigles cramoisis de Calis.

Le capitaine Duga, qui commandait une centaine de mercenaires, soupira.

— Votre réputation vous précède. On a tous reçu l’ordre de vous tuer et à l’époque on était encore à l’autre bout du monde.

— Vous avez fait une sacrée longue route, fit remarquer Erik.

— C’est vrai. (Le mercenaire regarda autour de lui et vit que les soldats du royaume désarmaient les siens.) Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ?

— Ça dépend de vous. Si vous coopérez, vous aurez une chance de rester en vie. Sinon…

— Je ne violerai pas le serment que j’ai prêté.

Erik dévisagea Duga. Il avait la réputation d’être un mercenaire assez classique, peut-être pas intelligent mais suffisamment malin pour garder ses hommes en vie, ce qui restait après tout la principale qualité d’un capitaine. Il devait être suffisamment fort pour mater une bande de coupe-jarrets revêches et suffisamment honnête pour respecter ses contrats, sans quoi personne ne l’aurait engagé.

— Pas besoin de violer un serment. Vous êtes nos prisonniers. Mais nous ne pouvons guère vous libérer sur parole et vous permettre de rentrer chez vous.

— Je ne sais même pas où c’est, chez nous, rétorqua l’autre amèrement.

Erik désigna le sud-ouest.

— C’est par là, mais à l’autre bout du monde, comme vous l’avez dit.

— Pourriez pas nous prêter un bateau ?

— Peut-être. Si vous partagez vos informations avec nous, on vous donnera peut-être une chance de rentrer chez vous.

Erik préféra ne pas préciser à quel point cette chance risquait d’être mince.

— Allez-y, posez vos questions, répondit Duga.

— Commençons par le début : comment êtes-vous arrivés jusqu’ici ?

— Grâce à un de ces portails magiques que créent les prêtres-serpents. (Il haussa les épaules.) Ils ont offert un bonus aux capitaines qui acceptaient de traverser avec leurs hommes. (Il regarda autour de lui.) Les dieux seuls savent où je pourrais dépenser cet or par ici.

— Ça fait combien de temps que vous êtes là ?

— Trois semaines.

— Qui attendez-vous ?

— Je sais pas, répondit le capitaine mercenaire. Tout ce que je sais, c’est que les ordres du général Fadawah étaient très simples. Il fallait franchir ce machin, là, cette faille, et trouver un endroit où camper à proximité. Ensuite, attendre.

— Mais quoi ?

— Sais pas. On nous a juste dit d’attendre.

Erik sentit une vague d’incertitude l’envahir. En attendant que le reste de sa troupe arrive, il avait pratiquement autant de prisonniers que d’hommes pour les garder. Or de nouveaux ennemis risquaient d’apparaître à tout moment.

— Mettons que je vous offre une liberté surveillée, proposa-t-il après avoir rapidement réfléchi. On ne vous fera aucun mal mais on ne vous laissera pas non plus partir. Nous négocierons de meilleures conditions quand nous arriverons à notre campement.

Le mercenaire réfléchit un moment avant d’accepter. Puis, soulagé de toute évidence, il s’adressa à ses hommes :

— Le combat est fini ! Allons manger.

Erik se laissa une nouvelle fois surprendre par l’attitude des mercenaires de Novindus, qui traitaient les combats et les conflits comme un véritable travail. Il leur fallait parfois affronter d’anciens alliés, susceptibles d’ailleurs de le redevenir un jour, c’est pourquoi ils ne faisaient jamais preuve de mauvaise volonté lorsqu’on les capturait.

Erik transmit ses propres consignes à Garret.

— Quand les choses se seront calmées, montez le camp et donnez à manger à nos hommes.

Le sergent des Portes de Fer exécuta le salut militaire et fit passer les ordres. Erik s’étira sur sa selle. Il avait le dos en marmelade et l’impression que toutes les articulations de son corps avaient été démises. Il ne se souvenait pas avoir été aussi fatigué de sa vie et mit pied à terre en gémissant intérieurement. Lorsqu’il renifla l’odeur de la nourriture en train de cuire, il s’aperçut qu’il avait faim.

Avant de commencer à interroger ses prisonniers, il prit le temps de maudire une fois de plus son capitaine. Puis il commença à s’occuper de son cheval et s’arrêta encore pour maudire Calis.

 

La rage d'un roi démon
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